Pairing bière et chocolat : savoir déguster pour mieux associer

Oui, le pairing bière et chocolat est une bonne idée et, non, pas qu’avec les stouts et porters ! Tout ce que vous devez savoir sur leur association est dans ce guide.

Je n’aime pas le chocolat. 

Bon, OK, je provoque un peu. j’en mange de temps en temps s’il est noir et en petite quantité. Pourtant, quand j’ai lu que ma nano-brasserie munichoise préférée co-organisait une soirée pairing bière et chocolat, j’ai eu diablement envie d’y aller. 

Pas de suspense inutile : non seulement j’ai découvert l’incroyable monde du chocolat artisanal, mais en plus les accords avec la bière sont bien plus harmonieux que je ne m’imaginais. 

Tout cela pour dire que, grâce à Higgins Ale Works et Truly Chocolate, j’aime le chocolat (et la bière, mais bon, ça ce n’est pas nouveau). 

Bière et chocolat : de nombreux points communs

La bière prend vie grâce à l’eau, le chocolat grâce au gras. Il n’est ainsi pas possible d’inclure d’eau au process. Au-delà de cette différence essentielle, les deux produits ont pas mal de points communs ! Ils sont intéressants à comprendre avant de se lancer dans un pairing bière et chocolat.

Bière et chocolat sont deux produits fermentés

Tablette de chocolat artisanal par Truly Craft Chocolate, à Munich
Le chocolat Truly Craft Chocolate n’a que deux ingrédients : du cacao et du sucre de canne

On le sait bien pour la bière, mais beaucoup moins pour le chocolat. Une fois les cabosses (fruits du cacaoyer) récoltées, les fèves de cacao (techniquement, les graines) sont extraites puis fermentées avec la pulpe pendant 3 à 7 jours. À ce stade, on est bien loin du goût du chocolat que l’on connaît. 

La pulpe étant sucrée, elle attire des micro-organismes et la fermentation commence. Pour obtenir un chocolat de haute qualité, il faut s’assurer que la fermentation reste constante. Elle joue un rôle clé dans le développement des arômes puisqu’elle permet notamment de réduire les tanins et donc l’astringence du produit fini. Sans fermentation, oubliez le goût du chocolat, il ne se développera pas. Les fèves non-fermentées sont très amères, sans le goût caractéristique du chocolat que l’on connaît. 

Comme le malt, les fèves de cacao sont torréfiées

La fermentation des fèves de cacao entraîne la production d’acide acétique (alcool). La torréfaction permet de se débarrasser de l’acidité. Le chocolat artisanal, ou bean to bar, est torréfié moins chaud, ce qui lui permet de conserver beaucoup plus de saveurs. C’est notamment pour ça qu’on retrouve des notes fruitées ou florales bien souvent absentes des chocolats industriels. 

Au contraire, le chocolat industriel est torréfié très chaud pour se débarrasser des imperfections. Plus la qualité des fèves est mauvaise, plus il y a d’imperfections, plus les industriels torréfient à haute température, moins le chocolat a de saveur. 

Goût des bières et chocolats artisanaux : une question de terroir

Comme pour le malt et le houblon, le terroir joue un rôle essentiel sur les variétés de cacaoyers qui poussent dans une région donnée, mais aussi sur les caractéristiques de ses fruits (taille, odeur, goût notamment). Derrière le terme fourre-tout de « terroir », on retrouve surtout les aléas climatiques, une récolte en saison sèche ou humide, l’altitude et même l’année puisque certains maîtres chocolatiers indiquent le millésime sur leurs produits. 

Variétés anciennes Vs. modernes

C’est vrai pour le houblon, ça l’est encore plus pour les céréales, blé et orge en tête. Quelques variétés modernes, sélectionnées par l’humain, remplacent les innombrables variétés anciennes. En fait, c’est vrai pour toutes les espèces (végétales comme animales) que nous avons domestiquées. 

Je la fais vite pour celleux qui ne sont pas familiers·ères du sujet : pour des raisons de productivité, nous avons tendance à sélectionner les attributs que nous préférons chez les individus de nos cultures. On crée ainsi de nouvelles variétés, plus uniformes génétiquement et plus prévisibles côté rendement. C’est le cas du blé agro-industriel qui a toujours la même taille, la même forme et la même force boulangère (tous les détails dans mon article sur la domestication des céréales). Cela commence également à être vrai pour les houblons modernes et donc pour les cacaoyers que l’on préfère résistants aux nuisibles (notamment). 

Cette sélection n’est pas anodine car elle influence largement le goût et a tendance à uniformiser le résultat… pas très craft tout ça. Comme certains boulangers et brasseurs se tournent vers les céréales anciennes, les chocolatiers s’intéressent de plus en plus aux variétés de cacaoyers anciennes

Qu’est-ce que le chocolat artisanal ou bean to bar ?

Je te l’accorde, mon introduction du sujet du pairing bière et chocolat est aussi brève et concise que ce bon vieux Ted expliquant comment il a rencontré la mère de ses enfants. T’as la ref’. N’empêche que c’est important pour bien goûter et comprendre ce qu’on a dans la bouche ! 

Comme pour la bière (encore), le terme “artisanal” juxtaposé à “chocolat” peut vouloir dire tout un tas de choses et donc est un joyeux bordel qui n’a pas de définition officielle. L’association Craft chocolate makers of America (aujourd’hui disparue) a un temps tenté de définir le chocolat artisanal comme un chocolat fabriqué à partir de matières non-transformées par une petite entreprise indépendante. Selon leurs critères, cela concerne les structures détenues à 75% au moins par l’entreprise elle-même ou par ses employé·es et qui transforment entre 1 et 200 tonnes de fèves de cacao par an. 

Mais cela n’a pas de valeur légale. 

Néanmoins, on peut s’accorder sur le fait que le chocolat artisanal recherche avant tout l’art et la gourmandise. Par opposition au chocolat industriel qui recherche l’uniformité et la marge, donc. 

De la fève à la tablette

Le terme bean to bar (de la fève à la tablette) est souvent employé pour qualifier le chocolat artisanal. L’idée est de mettre en avant le fait que les chocolatiers artisanaux contrôlent l’origine de leurs ingrédients, depuis la fève de cacao non torréfiée jusqu’au produit fini. Souvent, les fèves utilisées pour une même tablette de chocolat proviennent d’ailleurs d’une seule plantation ou d’une seule origine.

5 tablette de chocolat bean to bar sur une fiche de dégustation
Bean to bar signifie que le chocolatier contrôle l’origine des ingrédients

Au fait, ça se goûte comment le chocolat ?

Roue de dégustation chocolat artisanal
Comme la bière, le chocolat artisanal a sa roue des saveurs

Je radote mais, une fois encore, l’expérience n’est pas si différente que pour la bière. Déjà, détendons-nous tout de suite : si tu préfères goûter comme ceci ou comme cela, feel free! L’objectif numéro un, c’est de se faire plaisir ! Si par contre du te sens l’âme un peu plus snob de temps à autres, l’étiquette te donne quelques astuces : 

  • Déguste le chocolat à température ambiante. 
  • Regarde et sens avant d’engouffrer. 
  • Une fois en bouche prends ton temps : mords une fois ou deux dans le morceau et arrête-toi. Le chocolat comment à fondre et c’est là que la magie opère ! 
  • Si tu goûtes plusieurs chocolats, commence par le plus pur, puis par ceux qui contiennent des fruits à coque, des fruits, de la fleur de sel, etc.
  • Si vraiment tu tombes dans la marmite, prends des notes. Ça t’aidera à te rappeler ce que tu as goûté et comprendre petit à petit ce que tu préfères (en termes d’origine, par exemple). 
  • Pour un pairing chocolat bière (ou avec toute autre boisson), mâche une ou deux fois le carreau de chocolat, laisse-le fondre un instant, puis prends une gorgée et laisse le tout se mélanger. Après réflexion, essaie l’inverse et profite de ton milkshake bière-chocolat ! 

Pairing bière et chocolat : qu’est-ce qu’un accord réussi ?

Sur le papier, je me demandais sincèrement comment le chocolat et la bière allaient s’accorder. À part avec les bières noires, choix évident. En fait, pas mal d’accords différents fonctionnent, mais ils sont difficiles à définir puisque très liés aux spécificités à la fois du chocolat et de la bière. 

Certaines associations fonctionnent néanmoins la plupart du temps.

Type de chocolatPairing bière
Chocolat noir et fruité
(Madagascar ou République Dominicaine, par exemple)
Stouts et porters
IPA
Ales en général
Terreux
(Tanzanie ou Philippines, par exemple)
IPA
Fruits à coques
(Venezuela, Amérique centrale, Grenade)
Stouts et porters
Ales
FloralAles
Chocolat au lait (foncé)Stouts et porters
Chocolat au lait (clair)Stouts et porters
Source: Megan Giller – Bean to bar chocolate – 2017

Accords bière et chocolat en pratique : Truly Chocolate x Higgins Ale Works

Les chocolats artisanaux dégustés

  • Cahabòn – Guatemala – 70%
  • Marañon Valley – Pérou – 74%
  • Maya Mountain – Bélize – 70%
  • Sambirano Valley – Madagascar – 74%
  • Tumaco – Colombie – 74% et 90%

Les bières artisanales dégustées

  • Jersey Shore – Pale Ale – 3,8%
  • El Dorado Gold – Blond Ale – 5,9%
  • Palaronda – Porter – 5,9%
  • Secret Idaho – NEPA – 5,9%
  • Tumaco – Chocolate Stout – 6,6%

Quels accords fonctionnent le mieux ?

Tu ne vas probablement jamais réussir à réunir les mêmes bières et les mêmes tablettes pour ta dégustation. Sachant qu’Higgins et Truly Chocolate n’ont évidemment pas choisi ces références au hasard, tous les accords fonctionnaient un minimum. Le mieux est donc sans doute que je t’en dise plus sur les particularités des bières goûtées afin que tu puisses faire tes petites expériences. 

Tumaco – Chocolate Stout

Collab entre Higgins et Truly Craft Chocolate, la Tumaco est un Chocolate Stout riche, avec beaucoup de sucres résiduels. Elle a été brassée avec les fèves de cacao qui ont servi à créer le chocolat du même nom. Forcément, l’accord entre les deux est optimal ! Elle fonctionne globalement bien avec les autres origines, un peu moins toutefois avec les plus fruitées comme le Madagascar. 

Pour ce brassin, Paul (co-fondateur et brasseur d’Higgins Ale Works) a choisi une levure neutre pour laisser s’exprimer les arômes du chocolat. Il a dans un premier temps ajouté des fèves directement dans le mash pendant deux heures, ce qui a finalement peu d’impact sur la bière finale, mais qu’est-ce que ça sent bon ! Au total, on parle de 2kg de fèves + 500g dans le whirlpool pour ne pas avoir trop de gras pour préserver la mousse + 200g en dry hop (enfin, en cacaotage à froid). 

Secret Idaho – NEPA

La Secret Idaho est un hommage aux terres d’origine de Paul et Jen, à la tête de Higgins. Brassée avec des houblons Vic Secret et Idaho 7 et avec des arômes d’agrumes et de pin, elle est aussi celle qui m’a fait tomber en amour avec la brasserie, avant de me lier d’amitié avec ces deux humains d’exception qui lui donnent vie. 

Pour obtenir ce corps riche et crémeux et ces arômes marqués, Paul utilise deux levures de haute fermentation différentes, une en top crop et une en bottom crop (une coule, l’autre pas). L’objectif est de les stresser et de développer les esters. Elle fonctionne particulièrement bien avec les chocolats les plus fruités. 

Palaronda – Porter

Palaronda est un porter hybride UK/US, sec avec peu d’esters. Là encore, l’accord bière noire et chocolat est évident. Il fonctionne particulièrement bien avec le Pérou qui est un chocolat très équilibré aromatiquement

El Dorado Gold – Blond Ale

Eldorado Gold est une Blond Ale qui est certes assez classique mais néanmoins bien aromatique, avec des notes maltées qui offre un accord simple et efficace avec l’ensemble des chocolats dégustés. 

Jersey Shore – Pale Ale

La Jersey Shore est une pils avec peu d’esters, pas la plus typée donc, mais il fallait commencer en douceur pour ne pas se cramer les papilles d’entrée. Intéressant pour découvrir le pairing bière et chocolat, mais pas l’accord le plus fou fou. 

Où trouver Truly Chocolate et Higgins Ale Works ?

Higgins Ale Works
La taproom :
Karlstrasse 122 |  80333 Munich
Facebook | Instagram

Truly Chocolate
Le shop (également glacier) :
Rosenheimer Str. 14 | 81669 Munich
Instagram

Conseil de lecture

Pour aller plus loin sur le monde du chocolat artisanal : 

Bean to bar chocolate – America’s craft chocolate revolution (the origins, the makers, the mind-blowing-flavors) – Megan Giller – Storey Publishing – 2017

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Laura

Laura est créatrice de contenu SEO freelance. Elle est aussi et surtout la créatrice de Point d’Orge. Passionnée de rock, de voyages et de culture, elle est aussi à l’aise seule derrière un clavier d’ordinateur qu’une bière à la main à débattre du meilleur pain au chocolat de Paris ou de l’IPA canadienne la plus fruitée.