ITV à La Mise en Bière, bar à bières craft à Lausanne (Suisse)

32 bières artisanales à la pression, plus de 1000 références en boutique, des conseils avisés, des cours de brassage : c’est La Mise en Bière (Lausanne). Rencontre avec Denis, son gérant.

Celleux qui me suivent sur Instagram le savent déjà, j’ai participé il y a quelque temps à un atelier de brassage amateur à La Mise en Bière, à Lausanne (Suisse). L’occasion de brasser un Stout anglais, mais aussi de rencontrer Denis Adatte, gérant du bar et de la boutique du même nom. 

Une fois la bière dans son fermenteur, on a eu le temps d’échanger un peu plus longuement et de discuter de la scène craft suisse, du (très chouette) projet derrière La Mise en Bière, des ateliers Brassam qu’il organise depuis fin 2021 et du boulot qu’il reste à faire pour casser les préjugés dans le secteur brassicole. 

Sans plus d’introduction, je laisse la parole à Denis !

Interview La Mise en Bière partie I : le projet

“La Mise en Bière, c’est plus de 1000 références en magasin et 32 pressions au bar”

Parle-nous un peu du projet de La Mise en Bière/Le Bar de la Mise

Denis Adatte : La Mise en Bière a ouvert initialement en 2010 pour répondre à la demande de bières « artisanales » comme des blanches, blondes ou ambrée. La tendance a très vite changé quand le terme IPA a commencé à apparaître dans les rayons et la demande n’a fait qu’augmenter, c’est pourquoi en 2013 la Mise en Bière a changé de local. Mais c’est réellement en 2016 que l’entreprise a pris son envol avec la création du magasin actuel avec plus de 1 000 références et 32 pressions dans son bar, de l’autre côté du mur. 

Les challenges ont toujours été l’importation et suivre les tendances tout en ayant un regard sur les prix et les marges applicables, car en Suisse les taxes sont beaucoup plus élevées que chez nos voisins et la bière dite « trendy » se fait plus rare. Depuis peu de temps, la bière s’est démocratisée grâce notamment aux sites de ventes en ligne, mais également grâce à de nouvelles petites échoppes qui promeuvent la bière locale. Cette démocratisation est bien pour notre breuvage malté, mais j’ai comme l’impression qu’en Suisse on ne s’entraide pas, et quand il y a des « pépites » on ne se partage rien, on critique facilement les prix et la date de mise en canette, sans savoir si la bière est réellement bonne. C’est dommage on manque un peu de solidarité et le monde brassicole est très/trop « à la cool » et pas assez professionnel à mon goût. 

Cadre "save water drink beer" dans le bar de la Mise en Bière à Lausanne

Quel est ton rôle là-dedans ? À quoi ressemble une journée de boulot typique ?

Denis : Je gère le bar et le magasin et son staff. Mes journées changent tout les jours en fonction de ce qu’il y a à faire, mais je fais les commandes pour le BAR/MAG, je fais les prix, je contacte les brasseries pour des événements, je gère les réseaux sociaux, le site en ligne, les événements particuliers (comme les cours de brassage, les dégustations privées ou des présentations), mais également les nettoyages du MAG, je contrôle la chambre froide et je réponds évidemment aux e-mails et toutes demandes particulières. À côté de ça, je fais beaucoup de festivals afin de mettre des visages sur les différentes brasseries et parfaire mes connaissances en bière.

Pourquoi le choix de la scène internationale Vs. scène suisse ?

Denis : Au début, il y avait très peu de choix de brasseries Suisse à part BFM, WhiteFrontier et Dr. Gab’s. Le reste était très instable, les fûts et les bouteilles ne tenaient pas longtemps. On s’est très vite tourné vers l’international et on était les seuls à le faire, on avait une offre unique en son genre.

Qu’est-ce qui fait qu’une bière est sélectionnée pour être à la pression chez vous/vendue au magasin ?

Les bières que l’on teste sont évaluées sur plusieurs points par plusieurs personnes du staff (pros et amateurs), mais 3 points restent très importants : 

  • Le design de l’étiquette, 
  • Le respect du style mentionné, 
  • Sa stabilité. 

Grâce à ces trois points, on peut facilement savoir si la bière a une place dans notre rayon Suisse, qui est déjà très bien achalandé. 

Interview La Mise en Bière partie II : les cours de brassage

“On a de la chance d’avoir un professeur très professionnel, de ce fait, les clients sont très satisfaits de notre offre et sont contents d’en apprendre plus.”

Affiche des cours de brassage à La Mise en Bière à Lausanne

Comment est née l’idée des ateliers de brassage amateur ?

Pour être honnête, j’utilisais un système de brassage similaire à titre personnel. Un jour on était couchés avec un très bon ami à moi et ancien collaborateur dans le bar après avoir effectué des travaux dans ce dernier et on a remarqué qu’il y avait énormément de prises au plafond. Direct on s’est dit que ce serait chouette de mettre pleins de système de brassages comme le nôtre (car il brassait avec moi) et organiser des courses.

Ndlr : les cours de brassage de la Mise en Bière se font sur des cuves de brassage Maischfest de chez Klarstein.

Qui vient à ces ateliers ?

On a vraiment de tout, mais la plupart des gens connaissent la bière ou veulent acheter un système comme le nôtre afin de poursuivre l’aventure à la maison. On a de la chance d’avoir un professeur très professionnel, de ce fait, les clients sont très satisfaits de notre offre et sont contents d’en apprendre plus.

Ndlr : Nico, qui assure le cours, est responsable qualité à La Nébuleuse, une des plus grosses brasseries artisanales en Suisse.

Quel style conseillerais-tu pour un premier brassin amateur et pourquoi ?

Toujours une blonde, c’est la bière la plus accessible pour tout le monde et la plus facile à faire avec les levures et céréales que nous avons à disposition. Ce qui est également chouette avec une blonde, c’est qu’il est possible de l’houblonner un petit peu et de se rapprocher d’une pale ale ou d’une IPA suivant la demande des clients au long de la journée, elle est toujours un peu modifiable (ajout de fruit par exemple). Je pense également que c’est une bière facile à partager entre amis.

Interview La Mise en Bière partie III : la scène craft en Suisse

“Je pense que le respect est à la base de tout dans le service et la restauration, on cherche à éduquer le palais des gens et leur faire passer un bon moment.”

La Suisse a énormément de brasseries mais peine encore à se faire un nom sur la scène européenne. Pourquoi à ton avis ?

Je pense que c’est lié aux coûts. Les salaires, les loyers, le matériel et les matières premières sont plus chers. Il faut être grand et avoir un matériel de qualité pour pouvoir brasser des choses plus complexes comme des DDH, Triple IPA, Farmhouse aux fruits ou des grosses Pastry Stout. Les prix s’alignent sur de l’Européen qui est de meilleure qualité ou en tout cas plus « trendy » sur la scène craft. Il manque également l’éducation de notre clientèle, personne ne sait comment est la scène craft au Danemark, Espagne, UK ou encore USA. On dit qu’en Suisse on est à 8% de la population qui consomme craft, tandis qu’on est à 14% au US (à vérifier). Mais on commence gentiment à avoir du très très bon, il faut persévérer et continuer à acheter local.

Ndlr : Difficile de trouver ces chiffres, mais selon Swissinfo la part de marché de la bière artisanale représenterait 2 à 3% en Suisse, contre 12,3% aux États-Unis

Malgré une com moderne et des valeurs à revendre, la scène craft reste assez conservatrice par bien des aspects (sexisme pour n’en citer qu’un). Tu as notamment participé à une conférence sur la diversité, l’équité et l’inclusion dans l’industrie de la bière à l’EHL l’an dernier. Tu peux nous donner ton point de vue d’insider sur ce genre de thème ? On entend quoi au quotidien quand on est derrière un bar à bière en 2023 ?

Je pense que c’est énormément lié à l’éducation et aux anciennes générations. Les publicités et les marques de bières industrielles font tout pour associer les bières sucrées à la femme et les bières bien maltées aux hommes. Ces derniers ne nous aident pas d’ailleurs. On a souvent cette situation typique du couple qui arrive au bar, l’homme demande une bière forte et choisit pour sa femme une bière sucrée et douce… Dans ce genre de situation, le staff est au courant qu’il faut demander à la femme ses préférences, ce qu’elle boit d’habitude et aller un peu plus loin en lui faisant goûter des choses. On essaye de casser ces coutumes inégales. Je pense que le respect est à la base de tout dans le service et la restauration, on cherche à éduquer le palais des gens et leur faire passer un bon moment.

Pour finir sur une note plus ludique, si tu étais une bière, tu serais quoi, et pourquoi ?

Sincèrement, je serais la Bianca Blueberry Maple Pancake Lassi Gose de chez Omnipollo. De base, c’est la mentalité de la brasserie que j’aime avant tout, ils le disent eux-mêmes, ils ont écrit une page dans l’histoire de la bière et j’en suis convaincu. C’est les premières bières bizarres, sucrées et aussi intenses que j’ai goûtées. J’aime le graphiste derrière les dessins et j’aime Enok, le fondateur. Ils prônent des idéologies qui étaient, à l’époque, complétement folles et inovantes dans le monde brassicole. Je me retrouve bien là-dedans.

En petit plus, 2 bières ont marqué mes débuts dans ce monde : la Deus de Bosteels (la meilleure bière en méthode champenoise) et la Xyauyu Barrel 2014 de chez Baladin (également des souvenirs incroyables de visites chez eux et j’aime le personnage). 

Bouteille et verre de Red wine oak barrel aged red ale de Broken City
Bouteille et verre de Tefnut, une Imperial Gose Ale de Omnipollo et The Veil
Deux verres en plastique remplis de drêches de bière

Deux dégustations proposées par Denis pendant le cours de brassage et des restes de drêches de notre Stout qui ont depuis été transformées en pain au levain (ce sera l’objet d’un autre article).
À gauche : une Sour Red Ale de Broken City, en fermentation mixte et vieillie en fût de chêne (vin rouge).
Au centre : Tefnut, une collab entre The Veil et Omnipollo. Accrochez-vous, on est sur une Imperial Gose Ale avec de la myrtille, du cassis, du charbon actif et du sel noir de lave, le tout vieilli 12 mois en barrique de bourbon.

Aller à la Mise en Bière

Ça vous a plu ? Allez envoyer de la force à Denis et au staff de La Mise quand vous passez à Lausanne ! La sélection du bar varie souvent et réserve toujours quelques pépites, le mag a une sélection de dingue et, encore mieux, vous pouvez commander en ligne si vous êtes en Suisse !

La Mise en Bière
Rue de la Tour 14
1004 lausanne – Suisse

Et, évidemment, sur Insta : @lamiseenbiere

Edit : après trois belles années à la Mise, Denis vogue depuis août 2023 vers d’autres horizons. Le bar, lui, n’a pas bougé alors vous pouvez continuer à y aller… et bien sûr suivre les nouvelles aventures de Denis !

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Laura

Laura est créatrice de contenu SEO freelance. Elle est aussi et surtout la créatrice de Point d’Orge. Passionnée de rock, de voyages et de culture, elle est aussi à l’aise seule derrière un clavier d’ordinateur qu’une bière à la main à débattre du meilleur pain au chocolat de Paris ou de l’IPA canadienne la plus fruitée.