Bière artisanale à Munich : le guide ultime [brasseries + pubs]

OK, j’avoue, j’ai menti. BrewHeart ne brasse pas à Munich. Coupable, mais sans aucune honte tant la qualité de leurs jus de houblons est irréprochable. Je ne ferai pas durer le suspense plus longtemps, c’est ma brasserie allemande préférée. En fait, les gars brassent chez Frau Gruber, à Gundelfingen an der Donau (à mes souhaits), petite bourgade sur le Danube à 130 kilomètres au nord-ouest de Munich, toujours en Bavière. Le siège est quant à lui à Otterfing, 20 km au sud. Close enough. 

L’aventure BrewHeart commence en 2018, mais la passion des fondateurs pour la bière artisanale est vieille de plus de 15 ans, avec une affection toute particulière pour la scène craft américaine. Cela se ressent largement dans leurs brassins où les houblons aromatiques sont à l’honneur. BrewHeart n’a aucune bière permanente, même si certaines reviennent de temps en temps avec une recette revue et corrigée, comme la Juicy Liu (DDH NEIPA), la Hop Eye (DDH DIPA) ou la Haze Anatomy (DDH DIPA). L’essentiel de la gamme tourne donc autour des IPA, avec pas mal de double, de triple et un goût assumé pour le houblonnage à cru. Et, oui, ils aiment les jeux de mots.

Après avoir assis sa réputation de maître local des IPA à l’américaine, BrewHeart a commencé à diversifier sa gamme, notamment avec d’intéressantes Stouts et Sours comme la Psychedelic Peanuts en collaboration avec Frau Gruber (Imperial chocolate peanut butter stout), When Hazel goes nuts et It’s banana Joe, deux Imperial Pastry Stouts ou encore Conversations with Blueberry More (Fruited Sour) et Mango Unchained (Fruited Imperial Sour). 

Précision importante, la brasserie artisanale BrewHeart est entièrement indépendante et autofinancée. 

Le grand avantage de True Brew, à part leurs excellentes bières, est leur taproom au centre-ville de Munich. Ces gars-là sont passionnés de bières aux ingrédients sélectionnés et sourcés avec soin, mais aussi d’aventure, si possible outdoor. En entrant dans leur taproom, le ton est vite donné : cuves en cuivre derrière le bar, Tuk tuk qui sert de mini-food truck pour l’apéro (essentiellement des calzone revisitées), canapés en cuir et bois. Les murs sont habillés de skis, skateboards et snowboards. Les enceintes diffusent le punk rock de notre adolescence, quelque part entre Rise Against, Offspring, Sum 41 et Blink 182. 

Côté bière, il n’y a rien à redire, mais là encore, mieux vaut aimer le houblon. Leurs NEIPA sont excellentes, c’est avec ça qu’ils m’ont conquise. C’est hazy à souhait et, de toute façon, aucune de leurs bières n’est filtrée ou pasteurisée. Et comme le choix des ingrédients joue un rôle important dans leurs recettes, on a tout le loisir de profiter de leurs spécificités avec des single hops (série Lupotronic mettant à l’honneur les houblons Strata, El Dorado, Simcoe et Citra, un par recette), un brassin au houblon frais local (Home Grown IPA en collaboration avec HVG et Hoppebräu), des Island Pale Ale (une aux houblons néo-zélandais, une aux houblons australiens) ou la surprenante Let’s talk about thiols en collab’ avec Bierol. 

Gros point fort, leur IPA sans alcool (Into the Wild) est loin de faire regretter d’avoir la voiture, d’être en plein Dry January ou tout simplement de ne pas boire d’alcool. 

Paul et Jen Higgins sont américains. La scène craft n’a pas beaucoup de secrets pour eux puisqu’ils la suivent et y participent depuis le début des années 1990. Comme pour True Brew, une des grandes sources d’inspiration d’Higgins Ale Works est la montagne et, dans leur cas, plus précisément l’alpinisme. Après de nombreuses années en Allemagne, le couple commence sa production de bière artisanale à Munich en 2015. À l’époque, ils louent une ancienne boulangerie, ou plutôt une cave (joliment surnommée The Keller) dans le quartier de Maxvorstadt. Le lieu n’a rien d’anodin puisqu’il s’agit du quartier historique des brasseries traditionnelles munichoises. 

À quelques mètres à peine de Spaten, Augustiner et Löwenbrau, les Higgins font office de petit poucet. Au début, Paul est un brasseur amateur ambitieux qui teste et ajuste ses recettes avec la précision d’un ingénieur. En 2018, il est temps de passer à l’étape supérieure : c’est la naissance commerciale de Higgins Ale Works. 

Depuis, la nano brasserie munichoise se fait tranquillement un nom et une taproom accolée à la brasserie a ouvert en 2022. L’ambiance est chaleureuse et décontractée et il faut bien souvent tendre l’oreille pour entendre parler allemand. Les expats sont nombreux et le contact facile, contrairement à la plupart des autres bars de Munich. 

Bref, on se sent bien chez Higgins à découvrir et redécouvrir leurs petits brassins d’IPA, de Pale Ales et de Cream Ales. Si vous passez dans le coin, n’oubliez pas de tester leur Secret Idaho New England Pale Ale ! 

Troisième beer pub de cette liste, BrewsLi est à la fois une brasserie artisanale et un bar. Au moment d’écrire ces lignes, il est surtout le seul lieu où commander un paddle de bière artisanale munichoise ! 

Derrière BrewsLi se cache Benjamin Saller, technico-commercial de formation. À la base, il n’aime même pas vraiment la bière. Mais voilà, en sortie de boîte, il se retrouve à brasser pour la première fois dans une brasserie-restaurant d’Amberg, près de Nuremberg. Contrairement à pas mal de ses collègues munichois, il arrive donc sur la scène craft via la scène bavaroise plutôt que l’américaine. La graine est plantée ! Décidé à entamer une reconversion, il obtient son diplôme de brasseur à l’Université technique de Munich et se met à la recherche d’un lieu pour ouvrir son brewpub. La brasserie BrewsLi naît en 2018 et Ben trouve enfin un local en plein confinement. Le bar ouvre officiellement début 2020. 

Sans surprise, les bières de BrewsLi sont moins typées que celles de ses concurrents, mais aussi plus traditionnelles tout en restant modernes. En témoigne sa Helles en houblonnage à froid, la Maracuja “Schorle” toute légère et estivale (un schorle consiste à diluer un jus de fruits ou un vin avec de l’eau gazeuse ou de la limonade et est extrêmement populaire en Allemagne) ou l’Amity Kveik, une NEPA brassée avec les levures du même nom en collab avec Higgins. 

Enfin une bière artisanale à Munich tournée vers la tradition locale ! 

Munich Brew Mafia brasse depuis 2016. Cette brasserie artisanale est l’exemple parfait d’une scène craft allemande coincée entre proposer des bières pas trop typées et surtout pas chères au marché local ou d’explorer les nouveaux styles, au risque de dérouter le consommateur de base. Pour moi, et cela n’engage que moi, ils ont fait le choix du “en même temps” (toute allusion à la politique française est fortuite). Cela se traduit par des idées originales, dans des styles modernes, mais avec des bières un peu timides si on s’est aiguisé les papilles outre-Atlantique, en France ou en Belgique. 

Munich Brew Mafia produit sur deux sites distincts, selon le type de bière. Les Helles et autres bières légères sont brassées à la brasserie privée Gut Forsting près de Wasserburg, avec une capacité de production de 5000 litres. Les brassins plus artisanaux sont quant à eux brassés en petites quantités chez Holzhauser près de Buchloe où Munich Brew Mafia possède quatre cuves de 1000 litres, avec une fermentation en cuve ouverte. Grâce à ces petits brassins, ils peuvent renouveler la gamme régulièrement, avec des bières aussi fraîches que possible. 

Une Munich Brew Mafia s’il-vous-plaît

Depuis octobre 2021, Munich Brew Mafia a repris la Bierothek de Munich (franchise de magasins de vente de bière au détail) et il est donc très facile de trouver leurs nouveautés directement à la boutique aux côtés de plus de 300 références de bières allemandes et internationales. Il est également possible de commander en ligne, directement sur leur site Internet. Ils disposent également de nombreux points de vente dans toute l’Allemagne ainsi que quelques-uns en Autriche, en Suisse et en Slovénie. 

Pour être honnête, je n’ai pas tant à dire sur Crew Republic. Ce n’est pas très grave puisqu’il s’agit d’une des brasseries artisanales les plus grosses et “anciennes” de Munich. Il y a donc largement de quoi lire à leur sujet sur Internet. Mario et Timm ont commencé l’aventure en 2011 dans leur appartement de Glockenbach, sorte d’équivalent munichois du Marais avec ses bars et restaurants animés (pour Munich, calmons-nous), ses feux de signalisation piétons gay-friendly et ses lieux culturels chics (théâtre, musée, galleries d’art). 

Bref, à l’époque, nos deux compères font le constat que la scène de la bière artisanale allemande est quasi inexistante et que la scène brassicole tout court est poussiéreuse à souhait. En d’autres termes, il ne se passe pas grand chose et on ne peut pas les contredire. Tout le monde les prend pour des fous à vouloir révolutionner ce petit monde conservateur bien en place et, franchement, ils l’étaient sans doute un peu. 

N’empêche qu’ils ne savent pas que brasser et ont également bien compris le monde moderne et son besoin de communication. Ils bossent donc le concept sur le plan marketing et ça leur réussit plutôt bien. Plus d’une décennie plus tard, ils sont un peu partout. C’est simple : si un bar, un restau ou une salle n’a qu’une référence de bière artisanale, c’est de la Crew Republic ! L’achat de parts par AB InBev (Budweiser, Stella Artois, Corona, Beck’s, Hoegarden, Leffe et bien d’autres) en 2019 a clairement participé à l’explosion de la popularité de la brasserie, et mis un coup au côté artisanal de l’aventure. En 2021, Mario et Timm ont néanmoins racheté les parts et cessé leur partenariat avec AB InBev (ou l’inverse, ça l’histoire ne le dit pas). Pour le meilleur ou pour le pire ?